Dans un contexte où bon nombre d’amateurs de vin associent (trop) systématiquement qualité avec structure de petite taille, approche nature, et interventionnisme minimum (jusqu’à percevoir science et technologie comme suspectes…), il est intéressant de comprendre et d’évaluer la gamme d’une grande maison bourguignonne, présente sur l’ensemble de la région, depuis Chablis jusqu’au Beaujolais. Le rendez-vous nous est donné à l’hôtel Shangri-La, un cadre exceptionnel pour une dégustation magistralement organisée.
Histoire
La maison Louis Latour fut fondée en 1797. C’est en 1834 que s’achève la construction de la cuverie Corton Grancey à Aloxe Corton. Révolutionnaire pour l’époque et prodigieuse d’ingéniosité, cette cuverie, fonctionnant par gravité sur cinq niveaux, participe encore aujourd’hui à l’élaboration des grands vins de la maison, tel l’exceptionnel Corton Grancey. En 1860, le domaine devient maison de négoce. En 1891, le phylloxéra ayant détruit tout l’aligoté, Louis Latour décide de planter du chardonnay sur la partie sud du sommet de la colline de Corton : le Corton-Charlemagne est né ! Tout au long du XXème siècle, la maison se fait connaître auprès d’une clientèle internationale au sein de grands restaurants et d’hôtels de luxe. En 2003, c’est l’acquisition du domaine Simmonnet-Febvre à Chablis, suivie en 2008 de celle de la maison Henry Fessy en Beaujolais.
Domaine Simonnet-Febvre
Dirigé par Jean-Philippe Archambaud, le domaine Simmonnet-Febvre vinifie et commercialise une large gamme de vins depuis le Crémant de Bourgogne, en passant par les Coteaux de l’Auxois et les Saint-Bris, jusqu’aux exceptionnels Chablis Grands crus. Parmi les bonnes surprises, on notera un joli Crémant de Bourgogne Brut (10 euros), sur le fruit, agréable et franc. Plus vineux, le Crémant de Bourgogne Brut P100 Blanc de noir (11,20 euros) est un effervescent de gastronomie au rapport qualité-prix très intéressant.
Une découverte ensuite, le Coteaux de l’Auxois Esprit de Lyre « Auxerrois » 2014 (7,50 euros) met en valeur l’expression aromatique d’un cépage que l’on goûte peu. Un excellent vin d’apéritif et de crustacés à boire dans les trois ans, que j’ai trouvé plus singulier que les cuvées Saveurs de Lyre 2013 (50% auxerrois – 50% chardonnay) et Quintessence de Lyre 2013 (100% chardonnay).
En rouge, le Bourgogne Epineuil 2014 (10 euros) révèle de belles notes de fruits des bois et de fraise. Sur une bouche souple et franche, il est le parfait compagnon d’une planche de charcuterie ou d’un pâté de tête.
La gamme des Chablis est exhaustive avec pas moins de 12 vins d’une grande homogénéité qualitative. Le Chablis 1er Cru « Côte de Léchet » 2012 (17,50 euros) est très droit et doté d’un beau fil acide. Presque austère, à l’image de son terroir caillouteux très pauvre, une garde de quelques années (5 à 7) l’épanouira et en fera l’ami d’un carpaccio de bœuf. Le Chablis 1er Cru Montée de Tonnerre 2013 (22,50 euros) est déjà séduisant. Sur un nez de fleurs blanches et de tilleul, la bouche se révèle ample et parfaitement constituée. Du côté Grand Cru, le Chablis « Preuses » 2012 offre d’élégantes notes d’agrumes et de pierre à fusil, et est doté d’une belle constitution. Taillé pour la garde, il accompagnera d’ici quelques années un sandre au beurre blanc.
Maison Henry Fessy
Proposant pas moins de 13 cuvées en Beaujolais, la maison Henry Fessy se positionne comme une référence qualitative du Beaujolais depuis son rachat en 2008 par Louis Latour. Trois vins ont particulièrement retenu mon attention : Le Régnié « Château des Reyssiers » 2013, est gourmand, sur le fruit rouge et les épices, épatant ! Le Fleurie « Château des Labourons » 2013, issu d’une toute petite parcelle, est doté d’une attaque franche, et exhale des notes de cassis. Construit sur l’élégance et la finesse, sa finale est remarquable. Enfin, le Moulin à Vent 2012 se caractérise par une finesse tannique et une gourmandise qui appelle un filet mignon aux pruneaux !
Maison Louis Latour
Les 1ers et Grand Crus blancs de la maison gagnent en précision et en raffinement d’année en année. La gamme est aujourd’hui d’un niveau inégalé au vu des volumes produits. Le Chassagne-Montrachet 1er Cru «La Maltroie » 2012 est très expressif sur des notes noisetées et beurrées. Long et ample en bouche, sa pointe d’amertume en finale lui donne un « peps » incroyable. Le Criots-Batard Montrachet Grand Cru 2008 a parfaitement intégré son (élevage) bois d’une grande justesse et propose une bouche d’une grande complexité : agrumes, miel, cire, brioche. C’est un festival !
Le Chevalier-Montrachet Grand Cru « Les Demoiselles » 2011 tutoie les sommets de l’élégance. A table, son acidité dynamise littéralement les crevettes aux noix, le sucre et l’acide dansant un tango résonnant par vagues successives.
Cette revue (quasi) exhaustive des vins proposés par la Maison Louis Latour démontre un savoir-faire impressionnant, depuis les crus de beaujolais friands et « de copains » jusqu’aux exceptionnels Grand Crus de Chardonnay qui font la légende bourguignonne. Un must.